Contrôle patronal des arrêts de travail

Légale, la pratique de la contre-visite médicale est reconnue par la quasi-totalité des conventions collectives et par l’article 7 de l’accord national interprofessionnel du 10 décembre 1977 *. Dans les faits, elle se heurte néanmoins à des abus juridiques et déontologiques auxquels l’Ordre s’oppose.

Contre-visite médicale : que prévoit la réglementation ?

La contre-visite médicale est un dispositif que peut légalement utiliser l’employeur afin de déterminer si l’arrêt dont bénéficie un salarié malade est justifié. Ce droit n’existe qu’en contrepartie de l’obligation de maintien de tout ou partie du salaire et doit être prévu par la convention ou l’accord collectif applicable dans l’entreprise.
Depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, en cas de contre-visite médicale patronale concluant à l’absence de justification de l’arrêt de travail ou faisant état de l’impossibilité de procéder à l’examen du salarié, le médecin mandaté par l’entreprise doit transmettre son rapport au service du contrôle médical de la caisse d’assurance maladie, dans un délai maximal de 48 heures. Le médecin-conseil de l’Assurance maladie a alors deux possibilités (décret du 24 août 2010, n° 2010-957) :

Demander à la caisse de suspendre les indemnités journalières.

Le salarié dispose alors d’un délai de 10 jours francs à compter de la notification de la décision de suspension des indemnités journalières pour demander à la caisse de sécurité sociale dont il relève un examen de sa situation par le médecin-conseil. Ce dernier doit se prononcer dans un délai de 4 jours francs à compter de la saisine du salarié (nouvel article D. 315-4 du code de la sécurité sociale).

Procéder à un nouvel examen de la situation de l’assuré, lequel est de droit lorsque le médecin ayant effectué la contre-visite n’a pas pu examiner l’assuré (article L. 323-7 du code de la sécurité sociale).
Suite à la parution de ce décret d’application, le conseil national de l’Ordre des médecins a émis de fortes réserves sur ces dispositions. Dans un communiqué, il rappelle aux médecins conseils la nécessité de respecter l’article 69 du code de déontologie médicale. Et estime, par ailleurs, que « ces mesures jettent une suspicion inacceptable sur la justification médicale de l’arrêt de travail qui est présumé avoir été prescrit par simple complaisance ».

De graves manquements déontologiques

Des doléances, voire des plaintes, continuent de parvenir aux conseils départementaux de l’Ordre, pour non-respect des obligations juridiques et déontologiques qui s’imposent aux sociétés de contrôle et aux médecins contrôleurs. Parfois, les visites de contrôle sont organisées par ces sociétés de façon totalement contraire à la déontologie médicale. Parfois aussi, les missions confiées aux médecins contrôleurs dépassent ce que leur autorisent la jurisprudence et la déontologie.

Parmi les manquements constatés :

  • une attestation de présence ou d’absence du salarié malade à son domicile signée par le médecin contrôleur, bien que cela ne relève pas de sa compétence ;
  • la préconisation par le médecin contrôleur d’une reprise anticipée du travail par le salarié en dépit d’une décision de la Cour de cassation jugeant que l’avis du médecin contrôleur n’est valable qu’à la date où il est émis et ne peut disposer pour l’avenir ;
  • une information du salarié sur le cadre juridique du contrôle par la société elle-même aux lieu et place du médecin contrôleur ;
  • l’exigence par la société de la production par le salarié malade d’une pièce d’identité ou de pièces du dossier médical ;
  • l’absence de dispositif de communication du médecin contrôleur vers le médecin traitant du salarié et/ou le médecin-conseil de sa caisse d’assurance maladie.

Les dix obligations du médecin contrôleur

Pour mettre fin à ces dérives, le conseil national de l’Ordre des médecins a publié des recommandations sur le contrôle médical des arrêts de travail à l’initiative de l’employeur.

  1. Le médecin contrôleur doit exiger un contrat de l’employeur ou de la société de contrôle et le communiquer à son conseil départemental de l’Ordre.
  2. Ce contrat doit préciser la nature des missions du médecin, rappeler les articles du code de déontologie médicale relatifs au contrôle médical et préciser les moyens mis en œuvre pour assurer le respect de la déontologie médicale.
  3. Le contrat doit limiter la mission du médecin contrôleur à la seule appréciation de la justification médicale de l’arrêt de travail au jour du contrôle.
  4. Il n’entre pas dans les missions du médecin contrôleur de se prononcer sur l’absence du patient lors d’un contrôle, mais uniquement de consigner les circonstances qui l’ont rendu impossible.
  5. En cas de conclusions contraires à celles du médecin qui a prescrit l’arrêt, le médecin contrôleur doit entrer en contact avec le médecin traitant, de préférence avant la communication des conclusions au patient.
  6. Le médecin contrôleur doit également signaler au patient que ses conclusions, si elles sont contraires à celles du médecin prescripteur de l’arrêt de travail, permettent à l’employeur de suspendre le versement des indemnités complémentaires, mais sont, dans un premier temps, sans effet sur le versement des indemnités journalières, et laissent au patient la possibilité de s’en tenir aux prescriptions du médecin traitant, sans commettre une faute vis-à-vis de son employeur. Il doit enfin informer le patient de la transmission de ses conclusions (contraires à la prescription initiale) au service du contrôle médical de la caisse qui pourra suspendre le versement des indemnités journalières.
  7. Le médecin contrôleur doit se borner à faire état de ses conclusions administratives à l’organisme qui l’a mandaté.
  8. La durée du contrat et la rémunération du médecin contrôleur doivent être sans rapport avec le sens de ses conclusions.
  9. Le médecin contrôleur ne devrait pas accepter une mission de contrôle s’il n’a pas une expérience certaine de la profession médicale.
  10. Le médecin contrôleur devra se récuser chaque fois qu’il estimera, en raison de circonstances particulières, que ses conclusions peuvent être suspectées de partialité.

* Annexé à la loi n° 78-49 du 19 janvier 1978, relative à la mensualisation et à la procédure conventionnelle

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