ePA STMicroelectronics

Une usine à gaz pour quoi ?

Lorsque les élus CGT du site de Grenoble ont mené leur étude sur le STRESS à Grenoble, ils ont relevé que l’un des facteurs de risques le plus important était « l’intensité et la complexité au travail » lié aux objectifs et donc aux ePA (voir les résultats sur le site internet CGT ST Grenoble). Au regard des effets néfastes que peut générer un tel système il était nécessaire de se poser la question du pourquoi d’une telle usine à gaz ?

Les entreprises qui ont mis en place ce système et ceux qui le défendent sous prétexte d’un côté positif à ces entretiens (discussion manager/managé) se gardent bien d’en expliquer le côté « obscure ».

Nous allons essayer ici de faire un état de la situation et de vous expliquer les tenants et les aboutissants d’un tel système (ePA une usine a gaz pour quoi).

Quel est le ressenti des salariés ?

Les salariés ressentent le système d’évaluation de ST comme :

  1. Opaque (critères flous, étape de calibrage, gaussienne…)
  2. En décalage avec le travail réellement accompli
  3. Servant à justifier des décisions arbitraires et parfois injustes
  4. Pousse à la concurrence entre salariés au détriment du travail collectif
  5. Utilisés dans l’entreprise pour toujours en demander plus
  6. Stressant et porteur de risques pour la santé

Les managers quant à eux y voient :

  1. Une charge de travail supplémentaire
  2. La détérioration des relations hiérarchiques
  3. L’obligation de trier entre les salariés compétents de leur équipe pour gérer une répartition imposée du « need improvment » à « l’oustanding »

Au final, cette évaluation génère des contradictions qui outre l’opposition entre le discours officiel et notre vécu :

  • pousse à la concurrence entre salariés, au détriment de l’entraide et du travail collectif ;
  • peut induire des attitudes nuisibles à la qualité et à la sécurité ;
  • peut inciter au conformisme.

et donc peut générer un véritable malaise chez des salariés pouvant aller jusqu’à la dépression et le « burn-out »

Un système « border line »  ? Oui !

Là aussi, notre direction essaie en permanence de revenir sur nos droits et d’en conquérir de nouveaux évidemment à nos dépens. Quelques exemples mis en évidences par des jurisprudences ou par des expertises de CHSCT :

  1. La « Gaussienne » ou pré-rating et maintenant « Calibration » de répartition des notes qui s’apparente à des « fixed ranking » dissimulés.
  2. L’adhésion à des valeurs d’entreprise, notion tout ce qu’il y a de plus subjective, qui est une atteinte à la liberté de conscience ;
  3. Un formulaire informatique en Anglais (la langue officielle en France est le Français et toute notice, procédure, outil informatique… nécessaires à notre travail doit au moins être disponible en Français).
  4. Conditionner, de façon officieuse, une augmentation de salaire au fait d’avoir rempli son ePA
  5. L’article L.1222-2 précise que les informations demandées lors de ces évaluations « ne peuvent avoir comme finalité que d’apprécier ses aptitudes professionnelles »
  6. Utilisation de l’évaluation à des fins disciplinaires (préparer l’éviction des « mauvais »)
  7. Critères d’évaluation imprécis ou dont l’évaluation ne peut être que subjective pour le salarié… et l’évaluateur.
  8. Critères abstraits souvent comportementaux qui relèvent de la personnalité et dont l’appréciation est forcément subjective (« agir avec courage », « avoir une attitude positive »…)
  9. Confusion entre comportement professionnel et savoir-faire (« capacité à encadrer une équipe »)
  10. Modifications présentée comme mineure du système d’ePA afin que les Instances Représentatives du Personnel ne soient pas consultées (ST a perdu un procès contre le CHSCT de Grenoble à cette occasion).
  11. Le Code du travail prévoit que tout salarié engagé en forfait-jours doit bénéficier, chaque année, d’un entretien dont l’objet est d’évoquer « la charge de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que la rémunération du salarié »

Quelles sont les aspirations des salariés, vos aspirations ?

Fondamentalement, ce que chacun d’entre nous réclame c’est une reconnaissance :

  1. Du travail réel accompli, de manière collective et individuelle, de sa qualité, de son utilité sociale
  2. De ses compétences acquises sur un socle de qualifications professionnelles reconnues

et ainsi de s’épanouir au mieux dans son travail.

 Cela implique une refonte totale de ce système vicieux qui doit alors :

  • prendre en compte le travail fait (collectif, individuel) les moyens donnés… ou pas, et éventuellement les difficultés rencontrées ;
  • valoriser le savoir-faire et le management de proximité ;
  • permettre de se projeter dans l’avenir en termes d’évolution de carrière en ayant un référentiel commun à construire (grille de qualification/salaire avec des minimum connus de tous) ;
  • permettre un échange franc et loyal entre manageur et managé ce qui exclut toute existence de « pré-rating » ou « consolidation » ;
  • prévoir un dispositif de recours réel autre que seulement la DRH qui est partie prenante ;
  • permettre la compréhension et l’expression du salarié dans sa langue maternelle ;
  • être accessible tout au long de l’année afin qu’il soit une référence et un moyen d’échange permanent dans les équipes ;

Pour aller plus loin …

Quels sont les objectifs des ePA pour la Direction de STMicroelectronics et le MEDEF ?

Ils sont principalement de trois ordres :

Rompre avec les garanties collectives pour :

– Remplacer les classifications basées sur les qualifications des individus par la « pesée des postes » (méthode Hay et JG)
– Opposer compétences (liées à un poste) à qualifications (liées à l’individu).
– Déconnecter salaires minimaux conventionnels et salaires réels
– Généraliser l’individualisation et le salaire au « mérite » tout en réduisant les augmentations pérennes (mise en place de primes)

Rendre les salariés coresponsables par un management par objectifs :

– Remplacer l’obligation de moyens (35 heures de travail « fact base ») par l’obligation de résultat (subjectif)
– Transférer les responsabilités de sécurité et d’employabilité sur les salariés (« si vous n’avez pas de travail c’est de votre faute »).
– Conditionner le salaire et la carrière aux résultats (« oui vous avez fait du bon boulot mais ST n’a pas vendu le produit »)

Exiger des salariés leur disponibilité totale au service de la compétitivité par:

– Remplacer l’obligation de moyens (35 heures de travail « fact base ») par l’obligation de résultat (subjectif)
– L’adhésion aux valeurs (« subjectives ») et à la stratégie de l’entreprise décidée sans notre avis.
– L’intensification du travail et de dépassement de soi (puisque ce qui prime c’est la tenue des objectifs souvent inatteignables)
– La mise en place de critères comportementaux (subjectifs)
– L’identification des « faibles contributeurs » avec des visées disciplinaires (les « maillons faibles » ou NI)

Afin d’atteindre ces 3 objectifs, la Direction doit faire passer la « pilule » avec l’ePA qui alors :

  • revêt  une apparence d’objectivité, un souci d’une juste appréciation de l’activité des salariés, de leurs capacités, de leurs potentiels. Cette apparence s’accompagne d’un discours lénifiant style « occasion de faire le point », « de prendre du recul », un moment privilégié d’écoute libre et sans contrainte »…
  • utilise des méthodes de plus en plus standard avec un habillage pseudo-scientifique, un vocabulaire ésotérique (SMART, évaluation 360°…) véhiculées par quelques cabinets de conseil et un traitement informatique croissant et complexe des entretiens.
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