Projet de nouveau Règlement Intérieur à ST Grenoble

A la première lecture, le projet de nouveau règlement laisse un étrange malaise : pourquoi tant de restrictions ? Pourquoi tant de morale et de devoirs? Pourquoi le texte datant de 2008 a-t-il été autant modifié ?

Si le règlement intérieur permet d’adapter le droit du travail à la situation toujours particulière d’une entreprise, il est aussi précisé que :

« Dans tous les cas, le contenu du règlement intérieur ne peut restreindre les droits des personnes ou les libertés individuelles et collectives au-delà de ce qui est justifié par la nature du travail à accomplir et proportionné au but recherché. »

Le doute est permis quant au respect de l’esprit de cet article du code du travail lorsqu’on lit le projet.

Des restrictions de droits ou de libertés apparaissent dans plus d’un tiers des articles. Elles touchent :

  • la circulation (ZRR),
  • la liberté individuelle (tenue vestimentaire),
  • la médecine du travail
  • le corps avec la possibilité de fouilles corporelles,
  • les affaires personnelles

Aucun salarié ne peut passer une semaine sans enfreindre ce règlement tellement les injonctions, interdictions et devoirs sont nombreux !

(Projet de Réglement Intérieur ST Grenoble)

Que cherche la direction ?

A restreindre nos droits et nos libertés

« (…), il est interdit, tant pendant la durée du contrat de travail qu’après sa cessation, pour quelque cause que ce soit, et ceci sans limitation de durée, de divulguer, par n’importe quel moyen, à quiconque (…), les informations et connaissances acquises au sein de la société et plus généralement à tous les procédés de travail, méthodes et affaires de celle-ci. » (Article 7)

La direction englobe toutes les connaissances et sur une durée illimitée. Comment imaginer ne pas réutiliser dans une expérience professionnelle ultérieure des connaissances techniques acquises à STM ?

« Outils de protection et de dissuasion contre tout acte de malveillance, ces systèmes à caractère évolutif concourent au respect du règlement intérieur et des règles de vie sur le site (…). » (Article 9)

Alors que la vidéo-protection est toujours présentée comme servant uniquement à des fins de sécurité, la voilà utilisable à des fins disciplinaires. Cet article est renforcé par la nécessité d’avoir toujours le visage reconnaissable. L’article prévoit déjà le développement de ces moyens.

les zones « ZRR » (Article 10)

Les Zones à régime restrictif (ZRR) ont été conçues entre 2011 et 2013. Il s’agit là de mesures qui s’appliquaient jadis à des endroits comme les bases militaires ou les laboratoires de haute sécurité.

Veut-on vraiment que les laboratoires universitaires et les entreprises ressemblent à une caserne ? Beaucoup de libertés disparaissent dans les ZRR, y compris le droit des représentants du personnel de se déplacer librement. Les personnels d’université se sont mobilisée contre ces zones et ont obtenu un moratoire.

Pourquoi la Direction a-t-elle demandé la création de ZRRs sur le site ? Détail pas anodin du tout : l’identité, le CV, le numéro de carte d’identité des nouvelles personnes voulant être autorisées à circuler dans les ZRR vont directement au ministère de la défense…

Bonjour le fichage !

« Les salariés doivent indiquer, au moment de leur embauche puis à chaque modification, l’identité et l’adresse de la personne à prévenir en cas d’accident. Toute fausse déclaration en la matière constitue une faute grave. » (Article 3.10)

Inciter les salariés à maintenir à jour les données personnelles et une chose. Mais cela se justifie-t-il de le mettre dans le règlement intérieur ? Surtout, est-ce que cela est constitutif d’une faute grave ?

A maîtriser les moindres aspects de notre vie quitte à en être ridicule

« L’entreprise met à la disposition du personnel des lavabos, toilettes et des douches qui ne doivent pas être utilisés à d’autres fins. (article 4.7) »

Peut-on savoir quelles sont ces “autres fins” que veut interdire la direction ?

« Ceci exclut notamment le port des shorts, bermudas, tenues trop courtes, trop décontractées, trop décolletées ou torse nu, chaussures non attachées telles que tongs ou sandalettes,… » (Article 14)

A trop vouloir contraindre et limiter, la caricature n’est pas loin. Alors que la tenue vestimentaire est définie dans le règlement par rapport à la présence de clients, en CE, la direction avance surtout des raisons de sécurité : alors pourquoi ne pas interdire les lacets défaits et les talons. Apparemment le port du kilt reste autorisé…

Il est interdit « d’organiser des « pots » dans les locaux de travail » (Article 21)

Pourtant, c’est bien ce qui arrive régulièrement à l’occasion d’une naissance, d’un anniversaire, voire d’une fin de projet. C’est humain, convivial et sympathique. Pourquoi vouloir y mettre fin ?

A gagner à tous les coups : les injonctions paradoxales

Elles parsèment le règlement intérieur, le rendant complexe à respecter, par exemple :

« Chaque salarié doit participer à la mise en œuvre de la politique d’hygiène et de sécurité dans l’entreprise, en prenant soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa propre sécurité et de sa santé, ainsi que de celle des autres salariés » (Article 4.1)

Chaque salarié doit prendre soin de sa santé, mais :

« Dans l’accomplissement des tâches qui leur sont confiées, les membres du personnel sont tenus de respecter les directives et instructions de leurs supérieurs hiérarchiques… » (Article 6)

L’article 6 est impératif, sans possibilité de s’y soustraire.

Or, de nombreux « membres du personnel » ont mesuré la pression que leur management peut mettre
pour réaliser un projet dans les temps, suivre ses mails le Week-End, emporter son PC à la maison…

Toujours dans l’article 6 : « Nul ne peut effectuer un travail autre que celui qui est commandé, ni transformer le contenu des tâches du poste auquel il est affecté sans ordre ou autorisation préalable. ».

La direction oublie la mission du site de Grenoble, qui est la recherche, l’innovation, bref une forme de créativité et d’inventivité. C’est bien pourquoi il y a besoin d’intelligence collective et il est demandé à chacune et chacun de faire preuve d’initiative et d’autonomie. Alors ?

A transférer sa responsabilité sur nous : des articles dangereux

« Le personnel qui constatera qu’un de ses collègues de travail a un comportement laissant supposer un état d’ébriété, ou une apparence malade ou blessée « anormale », doit en informer immédiatement la Direction qui décidera des mesures utiles à prendre ». (Article 3.1)

Pourquoi demander au salarié de prévenir en premier lieu la direction ? L’urgence c’est surtout de prévenir la médecine du travail, qui prendra les mesures appropriées, y compris avertir s’il y a lieu de le faire.

En cas de suspicion d’ébriété, le salarié est raccompagné chez lui, alors que cela peut être le symptôme d’un problème bien plus grave. Par exemple, les signes d’ébriété tels qu’ils sont décrits ressemblent à ceux d’un AVC (Accident Vasculaire Cérébral).

A nous ficher : utilisation des moyens informatiques

Un chapitre complet, une charte en annexe, des annexes dans la charte…Cette partie ressemble à des poupées russes. Et il faut atteindre la dernière page pour connaitre les mesures de contrôle mises en place comme l’enregistrement des mails. La direction se donne le droit de lire mails et fichiers non identifiés comme personnel.

Les documents montrent aussi la volonté de transférer les éventuelles fautes sur les individus et de dédouaner STM des erreurs. Un article de la charte va jusqu’à demander aux salariés de s’auto-dénoncer et d’attendre leurs sanctions éventuelles. Or le sujet est très complexe et nombre d’entre nous ne sont pas armés pour faire face individuellement à l’ensemble des risques.

Comme ailleurs, le règlement mélange des ordres « (interdiction d’envoyer des mails à plus de 20 destinataires… ») et de la morale (« la courtoisie constitue une règle de base dans tous les échanges électroniques… »)

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